Nouvelle exposition à Paris : Cem Sagbil, Résister : de la Nature au Mythe

On a beaucoup relu Camus au moment de l’épidémie de Covid, et notamment La Peste… Mais l’œuvre du philosophe français qui a inspiré l’artiste turc Cem Sagbil est plutôt Le Mythe de Sisyphe (1942), un essai qui appartient au cycle de l’absurde.

Dans l’Antiquité grecque, Sisyphe est condamné, peut-être pour sa vanité – il a voulu ériger un palais démesuré – à rouler indéfiniment un rocher du haut d’une montagne à son sommet, rocher qui retombe immanquablement à chaque tentative, juste au moment où Sisyphe croit avoir réussi. Pour Camus, c’est l’acceptation par le héros de sa « défaite certaine » qui le libère et le sublime. Cette acceptation de la répétition sans issue est déjà une révolte et donc une « victoire ».

Cem Sagbil réussit magnifiquement à rendre compte par ses œuvres du combat permanent que l’homme – d’hier, d’aujourd’hui, de demain on l’espère – mène entre sa condition faible et imparfaite et sa volonté permanente et farouche. En attendant de perdre, il crée. Cem Sagbil le montre bandant ses muscles pour pousser le ballon doré du Soleil sur la pente ardue de la Lune, contemplant, perplexe, la Lune brisée à ses pieds, ou plus loin soulevant la Barque de Charon aux Enfers. Il convoque la Mère Nature, la déesse Cybèle, des théories d’idoles protéiformes. Il modèle aussi un Protesto qui fait écho à L’Homme révolté de Camus. Et une stupéfiante sculpture géante Action/Réaction où deux hommes semblent s’affronter de part et d’autre d’une cloison de verre éclaté, l’un tentant de la briser, l’autre de la retenir, métaphore de l’existence et de ses tensions. Pour reprendre les mots de l’artiste : « Sisyphe symbolise la vie et les idoles, l’immortalité. Pour obtenir l’immortalité, Sisyphe va satisfaire les Dieux, pousser et repousser indéfiniment son rocher. On peut alors s’interroger sur la dualité : effort/ paresse, espoir/désespoir, féminin/masculin, nuit/jour… et sur la capacité de l’Homme à résister. »

Né à Zonguldak, sur les rives de la mer Noire en 1958, formé à l’académie des Beaux-Arts d’Istanbul puis à Stuttgart, couronné « Artiste turc de l’année » en 2006-2007, Cem Sagbil a organisé plusieurs expositions, personnelles ou collectives, notamment et Turquie et en Allemagne. Certaines de ses œuvres ornent déjà des espaces publics, ainsi à Paris, qui l’avait accueilli lors de la Saison de la Turquie en France avec deux bronzes monumentaux devant le square Alban-Satragne dans le Xe arrondissement.

Plus que jamais cet été, il faut relire Camus et admirer Cem Sagbil !

Résister : de la Nature au Mythe, exposition (gratuite) de Cem Sagbil

jusqu’au 31 août

au rez-de-chaussée de la mairie du X e arrondissement, 72, rue du Faubourg-Saint-Martin. Horaires à vérifier sur le site de la mairie.

Laisser un commentaire