Cette année, le ramadan, neuvième mois du calendrier musulman, s’étend du mardi 13 avril au mercredi 12 mai 2021, soit l’an 1442 de l’Hégire. Son rite le plus connu, le jeûne, est le quatrième des cinq piliers de l’islam. Mais s’il revêt un caractère religieux, il n’en comporte pas moins aussi des aspects sociaux, économiques, politiques.
C’est dans l’ancienne capitale impériale que François Georgeon s’est placé pour analyser « le sultan des mois », comme on l’appelle à Istanbul. Il montre ses permanences et ses changements, ses transgressions parfois, entre la fin du XVIIIe siècle, quand le souverain est également le calife, commandeur des croyants, et la Seconde Guerre mondiale. La république officiellement laïque avec Atatürk cherche, pour sa part, à tout organiser : la date du début du ramadan, les horaires de travail, l’obligation de l’aumône.
Rien ne manque dans ce livre aux multiples notations concrètes, du roulement de tambour à l’aube, qui ouvre la longue journée d’abstinence, aux coups de canon libérateurs du soir, autour de l’iftar – le repas partagé qui réunit la famille, les amis, les voisins, musulmans ou non. On suit les commerçants qui réalisent souvent leurs meilleures affaires, les femmes affairées à préparer les repas, les enfants qui attendent le « bayram » (la fête sucrée où ils reçoivent cadeaux et étrennes), les soldats dispensés de jeûne.
Et aujourd’hui, qu’en est-il dans un pays dirigé par un gouvernement conservateur ? Un épilogue de Jean-François Pérouse fait le point sur les nouvelles habitudes de consommation et sur l’implication manifeste des autorités. Et rappelle que si, désormais, ce sont les téléphones portables qui sonnent le début et la fin du jeûne, l’essentiel des rites séculaires perdure néanmoins.
François Georgeon, Le mois le plus long. Ramadan à Istanbul, Paris, CNRS Éditions, 2017.
A l’invitation du Comité France-Turquie, François Georgeon avait donné une conférence sur ce thème le 16 avril 2019.
Par Huguette Meunier-Chuvin.