Pierre Loti, né Julien Viaud le 14 janvier à Rochefort-sur-Mer (Charente-Maritime) est mort le 10 juin 1923 à Hendaye. Pour rendre hommage à l’écrivain, au marin, à l’homme, trois journées sont organisées à Paris.

Le 10 mai, l’Académie française célèbre celui qui fut élu Immortel le 21 mai 1891 – c’est en rade d’Alger, à bord du Formidable, qu’il avait appris la nouvelle ! (voir annexe ci-dessous) La séance sera ouverte par Hélène Carrère d’Encausse, secrétaire perpétuel et Maurizio Serra, élu au fauteuil n°13, celui de Loti, prononcera la dernière communication : « Le marin et l’aviateur : réflexions sur Pierre Loti et Gabriele D’Annunzio ».

Parmi les autres exposés, signalons Alain Quella-Villéger qui évoquera : « Pierre Loti qui ne lit jamais… L’histoire de sa réception à l’Académie française » (et présentera son livre chez Bleu Autour).

Le 11 mai, un colloque international réunit à Sorbonne-Nouvelle des universitaires venus de toute la France mais aussi de Rome, Shanghaï, Gettysburg et bien sûr Istanbul : Seza Yilancioğlu (Université Galatasaray) parlera ainsi de « Loti, épistolier ».

Enfin le 12 mai, c’est au tour de la Société de Géographie d’évoquer les voyages de Loti, avec des spécialistes là encore parfois venus de loin (Lausanne, Nagasaki, Calcutta, Tahiti, Meknès, Téhéran). La dernière table-ronde, « Loti et l’Iran, un Orient singulier », animée par Timour Muhidine (INALCO), réunira Patrick Ringgenberg, Nedim Gürsel (CNRS) et Lucie Azema.

Toutes ces conférences sont gratuites mais il faut s’inscrire au préalable

Pour l’Académie française, le 10 mai : ploti10mai2023@orange.fr

Pour la Sorbonne-Nouvelle, le 11 mai : lecarrelet-editions@orange.fr

Pour la Société de Géographie, le 12 mai : https://lotimonde.fr/fr/colloque

Pour en savoir plus

Le discours de Pierre Loti, nouvel académicien

M. Pierre Loti, ayant été élu par l’Académie française à la place vacante par la mort de M. Octave Feuillet, y est venu prendre séance le jeudi 7 avril 1892, et a prononcé le discours suivant (seul le début est ici reproduit ; pour lire l’intégralité : https://www.academie-francaise.fr/discours-de-reception-de-pierre-loti)

    

« Messieurs,

J’étais loin de France, naviguant sur un des cuirassés de l’escadre et arrivé de la veille au port d’Alger, le jour où votre compagnie, Messieurs, me fit le grand honneur inattendu de me donner ici la place vide qu’Octave Feuillet avait laissée.

Ce fut pour moi un inoubliable soir que celui du 21 mai 1891. L’élection avait eu lieu dans le jour,– et moi, par incrédulité absolue de ce grand triomphe, peut-être aussi par je ne sais quel tranquille fatalisme d’Oriental qui me reste au fond de l’âme, j’avais passé mon temps, l’esprit distrait et presque sans pensée, à errer tout en haut du vieil Alger, dans ces quartiers morts et ensevelis de chaux blanche qui entourent une mosquée antique et très sainte : un des lieux du monde où j’ai toujours rencontré le sentiment le plus intime, et aussi le plus calmé du néant des choses terrestres…

Le soleil baissant, je redescendis vers le port, pour regagner mon navire où m’appelait un service de nuit ; avant de rentrer cependant, je voulus aller au bureau de la marine, où l’on porte les dépêches qui nous sont destinées, pensant bien que quelque ami aurait pris soin de me dire quel était l’élu nouveau et combien de vos voix, Messieurs, s’étaient égarées sur le marin errant que j’étais. – Alors, pour me faire conduire à ce quartier solitaire du vieux port où le bureau de la marine est établi, je pris une barque sur le quai, une lilliputienne barque, la seule qui se trouvait là, menée par deux rameurs comiques, que je vois encore, et qui étaient de tout petits enfants. – Il était déjà fermé, ce bureau, quand j’arrivai ; un matelot, qui montait la garde aux environs, après avoir trouvé à grand-peine une clef pour l’ouvrir, chercha, dans l’étagère des lettres, la case réservée à mon navire : elle était remplie d’un monceau de petits papiers bleus qui, depuis deux heures, n’avaient cessé d’arriver à mon adresse, – et, au lieu d’une dépêche que j’attendais, ce matelot, très étonné, m’en remit de quoi remplir mes deux mains.

J’avais compris, avant même d’avoir déchiré la première. Et une sorte d’éblouissement me vint, qui était plutôt mélancolique et ressemblait presque à de l’effroi…

Je remontai sans mot dire dans ma très petite barque à équipage d’enfants, qui en vérité était maintenant bien modeste pour porter ma fortune nouvelle, et tant que dura le trajet jusqu’à mon navire, tout en glissant sur I’eau tranquille, je déchirai un à un les papiers bleus, lisant de près, aux dernières lueurs rouges du jour, dans le beau crépuscule commençant, ces félicitations qui m’arrivaient de toutes parts, et où les mots joie, bonheur, revenaient toujours à côté du mot gloire. Dans ce calme du jour de printemps qui finissait, cet instant me semblait solennel – comme chaque fois qu’un grand pas vient d’être franchi dans la vie ; je sentais même une sorte d’angoisse étrange, comme si un manteau trop magnifique – mais en même temps trop lourd, trop immobilisant – eût été tout à coup jeté sur mes épaules. Et puis, je songeais à celui dont le départ m’avait ouvert ces portes, et qui précisément avait été, dans le monde des lettres, le premier déclaré de tous mes amis intellectuels ; il me semblait qu’en prenant sa place, je le plongeais plus avant dans la grande nuit où nous allons tous.

Il fallut mon arrivée à bord, la bonne et franche joie du très charmant amiral qui nous commandait, la fête que me firent mes chers camarades du carré, pour me donner enfin à entendre que cette gloire un peu effrayante était vraiment une chose heureuse ; – et j’avoue, par exemple, que je finis très gaiement la soirée au milieu d’eux. »

Sélection d’ouvrages de Pierre Loti en relation avec la Turquie et l’Empire ottoman

Aziyadé : Une autofiction, dans laquelle Loti raconte une histoire d’amour entre un officier de marine européen et une jeune femme du harem d’un riche vieillard stambouliote.

Constantinople, fin de siècle : entre 1870 et 1913, Pierre Loti effectua 8 séjours à Istanbul et en tira ce « guide » tout personnel. On y retrouve tous les lieux qu’un « touriste » se devait de visiter, palais, marchés, ponts, mosquées, la gare terminus de l’Orient Express, le grand bazar, les vieilles maisons en bois, ainsi que des endroits en lien avec la France, la résidence du consul, la résidence d’été de l’ambassadeur de France à Tarabya (actuel collège-lycée français Pierre-Loti), etc. Et bien sûr la colline d’Eyüp, où se trouve aujourd’hui le café Pierre Loti !

Les désenchantées : Dans ce roman, Loti fait dialoguer trois femmes de la haute société ottomane avec André Lhéry, un écrivain et diplomate français en poste dans l’ancienne Constantinople à la toute fin de l’empire.

Sélection de livres sur Pierre Loti

Alain Quella-Villéger, le grand spécialiste de Pierre Loti :

Pierre Loti. Le pèlerin de la planète, Ed. Aubéron, 1998.

Chez Pierre Loti – Une maison d’écrivain-voyageur, Scérén-CRDP, 2008.

Pierre Loti dessinateur. Une œuvre au long cours, avec Bruno Vercier, Bleu Autour, 2009, Grand Prix de l’Académie de Marine, 2011.

Pierre Loti photographe, avec Bruno Vercier, Bleu Autour, 2012.

Pierre Loti. Une vie de roman, Calmann-Lévy, 2019.

Pierre Loti. Le monde, en passant, avec Bruno Verdier, Calmann-Lévy, 2023.

Pierre Loti. Une vie de voyageur, avec Didier Quella-Guyot et Pascal Regnaud, roman graphique, Calmann-Lévy, 2023.

Autres auteurs

Olivier Delahaye, Pierre Loti à Rochefort – Le temple d’une vie, Editions Belin 2014.

Claude Farrère, Loti, Paris, Flammarion, 1930.

Comte Léon Ostorog, Pierre Loti à Constantinople, 1927, mémoire d’un émigré polonais dans l’Empire ottoman.

Et bien sûr, allez aussi lorsqu’elle sera rouverte à la maison de Pierre Loti,

137 Rue Pierre Loti, 17300 Rochefort, 05 46 82 91 60.